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4 décembre 2006 1 04 /12 /décembre /2006 18:34

Paradoxalement, c'est, à mon sens, dans certaines émissions de divertissement, grand public, destinées à tous justement, et non pas à une élite intellectuelle, qu'on perçoit souvent, le mieux, quelques tendances, quelques traits, quelques évolutions de notre société.

Prenons pour exemple l'émission « On n'est pas encore couché » présentée par Laurent Ruquier, le samedi soir sur France 2, remplaçant « Tout le monde en parle » anciennement présentée par Thierry Ardisson. Très connue, vous la regardez sûrement.

Je réagirai à celle de samedi dernier, 2 décembre 2006.

Comme chaque semaine, un jeune comique – Mustapha – y fait sa chronique, amusante, commentant les invités. Loin de moi l'idée de politiser toute intervention, de mélanger le politique et le divertissement, de faire du tout politique. Nombre le font, c'est d'ailleurs une des caractéristiques du Mouvement de Mai 68 et de l'avènement d'une nouvelle gauche, c'est d'ailleurs, aussi, une des composantes de notre vision sociale actuelle, notamment par la place qu'on accorde à l'Etat (voir François Furet, Le Passé d'une illusion). Mais c'est sans doute à défaut, et ça n'est pas la mienne. Puisque, pour ceux qui nous connaissent, nous défendons une vision plus libérale du rapport société – Etat, et donc du rapport au politique. Une vision libérale au sens large, celle de Constant, pas nécessairement celle du libéralisme étatique français, analysé par de brillants auteurs (Lucien Jaume). Ainsi, en bon libéral, je ne me soucie plus guère du politique – sauf cas extrême – lorsque vient le temps du divertissement. L'intervention de Mustapha – selon moi – était plutôt drôle, mieux que celle de la semaine précédente, et je ne me retins pas de rire ; même lorsque les idées exprimées n'étaient pas les miennes. Et à vrai dire, c'est habituel, pour nombre d'entre nous, surtout lorsque nous contestons la pensée dominante médiatique, celle de la gauche bien pensante, il faut bien le dire. J'ai donc bien ri.

Mais je serais un bien mauvais analyste des tendances de nos sociétés, si je m'arrêtais là, sans chercher à analyser. Je m'y risquerai donc. Sans procès d'intention, sans regard péjoratif, mais en simple analyste.

Au cours de son intervention, Mustapha fit donc remarquer à Diane Kruger, jolie blonde aux yeux bleux, son caractère d'immigrée ou fille d'immigrés allemands, prétendant ainsi qu'aux immigrés allemands – et plus généralement européens, entend–on implicitement, blancs en tout cas – on ne leur fait pas remarquer leur caractère d'immigré. Au contraire selon lui des immigrés arabo–musulmans, dont il fait lui–même partie.

Jolie rhétorique, l'air de rien, sous couvert d'humour, que celle de Mustapha, qui, bien que sympathique, se place encore une fois dans le rôle de la victime, victime de l'Homme blanc européen, de la majorité blanche française, qui poserait son regard négatif sur l'arabo–musulman, et lui ferait remarquer son origine immigrée.

Mais cela est–il vrai? Faisons–nous plus remarquer leur origine immigrée aux arabo–musulmans? C'est évident selon vous? En êtes–vous sûrs? Je ne crois pas. Au contraire.

Au contraire, oui, ce sont ces mêmes enfants d'immigrés qui mettent en avant leur origine, la revendiquent, la crient, en parlent...J'insiste, ce ne sont pas les blancs qui font remarquer l'origine arabo–musulmane de ces enfants immigrés, mais ces enfant d'immigrés qui l'affichent !!!!

Reprenons l'observation de notre émission. Diane Kruger, elle, n'a pas fait remarqué son origine allemande, seul Mustapha l'a fait. Mais Mustapha, lui, ne s'est pas gêné de parler de « 2 arabes sur le plateau ». Alors que personne ne l'avait fait, car personne – ou peu de gens – désignent les autres par leurs origines. Et le second, Azouz Begag, également sympathique et animé, lui aussi s'est présenté comme un immigré « Arabe ou Algérien », avant de faire remarquer que cela ne motivait pas son action. Il l'a fait remarqué avant tout. N'inversons donc pas les rôles. Rien ne sert de reprocher aux autres ce que l'on fait soi–même.

Et pourtant, les enfants d'immigrés ne manquaient pas sur le plateau, mais eux–mêmes l'ont–ils fait remarquer? Là est la question. Non, à aucun moment ils n'ont fait part de leur différence culturelle privée. Différence privée, dans la conception française. Là est une différence de taille.

On pourrait encore pousser l'analyse, jusqu'à celle des prénoms. On constatera l'affirmation identitaire de prénoms tels Mustapha et Azouz, sans aucun jugement normatif. Loin de moi l'idée de dire qu'ils devraient renoncer à leurs prénoms pour en adopter « de bien français ». Loin de moi cette idée! Mais qu'alors on ne raconte pas n'importe quoi!

De rapides études statistiques montreraient l'évidence, que toute personne ayant un peu d'expérience, connaît. Celle de prénoms arabes ou musulmans forts répandus, à l'inverse, par exemple, d'immigrés juifs d'Afrique du Nord, prénommés André, Alain, Odette, Thérèse, Emile, Ernest, Henri, Nadine, Paule, Denis, à l'image d'un Eric (rien de plus « bien français ») ... Zemmour. A un moment donné de l'histoire, certains ont visé une forme d'assimilation, c'est le terme qu'on appliquait à l'époque, à la culture française. Assimilation imparfaite, mais volonté indéniable.

Tel ne fut pas le cas chez tout le monde. Et tel n'est peut–être plus le cas, aujourd'hui. Il serait, en effet intéressant – même si trop long – d'étudier le phénomène de « retour aux sources » chez ces mêmes juifs nord–africains. Quelle en fut la raison? Je ne sais, sans doute existe–t–il des études sur le sujet. Mais là s'arrête ma démonstration. On pourrait aussi comparer le symbolisme des prénoms chez les immigrés africains, ou asiatiques. Je n'irai pas jusque là.

Bien évidemment, il ne s'agit pas de généraliser, on pourra toujours trouver des contre–exemple – et heureusement, quoi de plus normal, car une culture est toujours poreuse. Mais on admettra qu'il s'agit bien là d'une grande tendance.

L'essentiel – mince mais fondamental – aura bien été de montrer l'aberration d'une accusation – perpétuelle – visant un blanc, français, européen, rempli de préjugés anti–arabo–musulmans.

Les préjugés sont au contraire, bien souvent, à l'encontre des ces « blancs français, européens, d'origine chrétienne ». Dans les pays occidentaux, l'identité d'origine, religieuse - chrétienne, juive - ou ethnique, dans de nombreux pays, s'efface. Il serait un autre débat de dire si c'est préférable ou non, bénéfique ou non. Dans d'autres pays, nombre de pays musulmans, elle ne s'efface pas, elle se renforce. Mais ici, en France, certains, nous le savons, montrent ostensiblement leur identité ethnique et religieuse, la revendiquent, la jettent à la figure des autres, en font le fondement de droits – et peu souvent de devoirs. Là encore, il est un autre débat de savoir si nous y sommes favorables ou pas, ce que nous faisons par ailleurs, mais qu'on ne nous dise pas qu'on montre du doigt celui qui crie tout fort sur les toits.

Gad.


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commentaires

G
Il me semble que j'aborde encore là un tabou, à mon habitude. Personne - ou presque - n'irait dire un truc pareil à la télé. C'est pourtant vrai, mais on ne veut jamais facher personne alors on préfère se garder de dire les choses qui fachent. D'autres pourtant, ne se gênent pas, mais sur d'autres sujets.
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O
En parlant de ce sujet, je peux t'en raconter une bonne (si ça t'interesse). C'est un peu différent de ton sujet mais ça rejoint l'expression de l'origine identitaire d'un individu ainsi que de sa complète solidarité idéologique qui souvent est naïf. L'affaire du policier qui a défendu le supporter israélien, j'en ai parlé à des camarades de mon sport. Sachant que j'ai un esprit vicieux forcément j'ai parlé de ça à un des gardiens qui gère le gymnase (lequel ne sait pas que j'ai des ascendants juif dans ma famille mais je reste de confession chrétienne). Je précise cela parceque son opinion était la suivante :"il a bien fait le policier d'avoir tuer l'autre skinhead qui a osé dire sale negro au flic là d'ailleurs si j'étais lui j'aurais encore plus vidé le chargeur sur les autres"(l'origine de ce gardien étant maghrébine, ses fréquentations étant afro-maghrébine). Traduction, quel salaud celui qui a osé s'en prendre à un policier pour l'insulter de sale nègre, cet espèce de raciste et de lepeniste. Intérieurement je me suis dit quel hyppocrisie, tu es le premier à critiquer les policiers et à t'en prendre à Sarkozy mais dès qu'on s'en prend à un de tes frêres tout de suite tu changes radicalement de camp. Il ne savait peut-être pas que l'un des assaillants était d'origine maghrébine et qu'il a aussi été bléssé par balle et peut-être alors il se serait mis à insulter le policier de facho tout en oubliant que celui-ci est français des antilles. Ce gardien de gymnase je l'apprécie et il n'est pas anti-sémite du tout mais indirectement il se montre plus solidaire envers un frêre musulman qu'envers un frêre juif qui est aussi un être humain et qui mérite de la considération comme les autres. Cette situation ressemble étrangement à ce que tu décris Gad, l'on revendique ses origines mais politiquement l'on se montre toujours plus solidaire envers ses frêres sans se soucier de la justice. Mon opinion personnelle est simple, deux criminelles ont été mis hors d'état de nuire dont un a été tué (je n'ai pas pour coutume de me réjouir de la mort d'un être humain même si celui-ci était impitoyable, cependant il est hors de question que sa mort m'affecte ou me fasse pleurer), et pour finir un civil innocent a été sauvé.<br /> O Brian
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